jeudi 12 mars 2009

Schlyter, comme un chien dans un jeu de quille

Le député européen Carl Schlyter n'est pas tout à fait un béotien dans le domaine scientifique. Armé d'une formation d'ingénieur chimiste spécialisée biotechnologies et environnement, ce Suédois de quarante ans, a soumis un rapport exigeant à la Commission Environnement du Parlement européen chargée d'examiner la réglementation des nanomatériaux.
On se souvient que dans sa Résolution du 4 septembre 2008 - sur l’évaluation à mi-parcours du plan d’action européen en matière d’environnement et de santé 2004-2010, le Parlement européen se disait “préoccupé par l’absence de dispositions juridiques spécifiques pour garantir la sécurité des produits de consommation contenant des nanoparticules” (Point n°20). Il dénonçait “l’attitude désinvolte de la Commission face à la nécessité de revoir le cadre réglementaire relatif à l’utilisation des nanoparticules dans les produits de consommation, eu égard au nombre croissant de produits de consommation contenant des nanoparticules qui sont mis sur le marché”.
Depuis, le groupe des Verts européens a été particulièrement actif pour finaliser une motion qui sera soumise au vote les 30-31 mars et en session plénière en avril ou mai 2009.
Celle-ci insiste sur le fait que l'on ne pourra pas récolter les bénéfices des nanotechnologies si l'on ne met pas en place un cadre réglementaire qui tient compte de la nature particulière des problèmes sanitaires posés par les nanomatériaux. Carl Schlyter, auteur de la motion, relève que la législation actuelle est forcément aveugle aux risques particuliers des nanomatériaux car nous manquons de méthodes pour les évaluer. Il affirme que la situation actuelle ne respecte pas "l'approche intégrée et sure" demandée par la Commission européenne, alors même que de très nombreux articles de soin ou de nettoyage sont déjà sur le marché. Il demande à la Commission européenne de proposer des adaptations de la législation pour être conforme au principe "no date, no market" (pas de marché sans information). Il insiste pour dire que cette "sécurisation" est nécessaire pas seulement pour protéger la santé et l'environnement mais pour donner un horizon stable aux opérateurs économiques ainsi que pour favoriser la confiance du public.

L'avis préconise enfin l'étiquetage des produits de consommation contenants des nanoparticules ou nanomatériaux. Il ajoute qu'il faut veiller à restreindre l'octroi de brevets aux méthodes de production (en évitant l'extension aux matériaux eux-mêmes) pour éviter une fracture nord-sud ("nanodivide"). Sur le plan éthique, il invite à établir des règles de conduite notamment dans le champ de la convergence avec les applications médicales.

Le débat ne sera pas inconsistant donc, quand le sujet arrivera en plénière...

mardi 10 mars 2009

Nanopuppets & nanosong

Un puppet Show pour vanter les merveilles qu'on fabrique à l'échelle nano ! Tous les petits Américains, fans de Sesame Street, ont pu voir le 4 mars dernier, "miss Blowy" chanter (au sens propre) le bonheur de vivre, entouré de trucs trop petits pour qu'on les voit mais non moins formidables : "nano, quelle surprise magnifique qui transforme l'ordinaire en extraordinaire" entend-on sur une musique dès plus niaise, tandis que s'élèvent dans les airs des tubes de carbone géants porteurs de perruques ! Les créateurs de cette video de trois minutes (Applied Sciences & Technologies et Cal) ne font pas dans la dentelle. Pour camper le sérieux de l'affaire, il n'hésitent pas à afficher fugitivement une publication au titre prometteur : "Les nanotubes de carbone de la Nasa rendent possibles les ascenseurs de l'espace". Il y en a donc pour tous les goûts ! Après un tel étalage, nul doute que les jeunes têtes blondes auront compris que "nano" c'est pareil que... la magie ! Faut-il en rire ou en pleurer?

dimanche 8 mars 2009

Paysages moléculaires pour l'art

"Mon art est une réflexion sur le mouvement technologique". Christian Orfescu a une double vie. Le jour, ce Californien de 52 ans étudie les structures de batteries au lithium chez Caleb Technology, et le soir il se mue en artiste de l'abstraction. En fait, il transforme les paysages moléculaires issus des microscopes à force atomique de son laboratoire, en moirures flamboyantes. Le pionnier du "nanoart", a lancé en 2006 une compétition annuelle sur le sujet (nanoart21.org).
Bien sûr Orfescu précise qu'il ne s'agit en rien de photographies : les nano-objets représentés étant plus petits que les longueurs d'onde de la lumière visible, ils sont révélés par le comportement des électrons et les forces électriques qui s'expriment entre atomes. Charge à lui ensuite de combiner le réalisme de l'image scientifique avec les couleurs numériques les plus chatoyantes. "Avec plus de 70% des Américains qui utilisent des produits incorporant des nanotechnologies, je veux que les gens réalisent ce que sont ces fabrications et j'espère que mon art aiguise leur curiosité, témoigne-t-il. La meilleure façon de garder le contrôle sur ces technologies, c'est la connaissance".
Les initiatives "poétiques" sur les nanomondes ne manquent pas. Jim Gimzewski (présenté p114 du Meilleur des nanomondes) a coordonné en 2008 une exposition Nano, Poetics of a New World, qui s'est tenue au Brazilian Art Museum, FAAP, à Sao Paulo au Brésil (http://www.chem.ucla.edu/dept/Faculty/gimzewski).
De même, la photographe Lucia Covi a exposé, à Paris (au réfectoire des Cordeliers, au printemps 2008), ses images, sorties du Centre de recherche de Modène. Cette exposition appelée Blow Up donnait à voir des fils, des pyramides, des gouffres, des sortes de lacets d'ADN... et comme un Mont St Michel miniature formé par la pointe en argent usinée et amincie pour "lire" la surface d'échantillons. Celle-ci considère qu'il est important, en ce moment de naissance des nanosciences, de montrer les formes réelles des nanostructures plutôt que les représentations numériques glaciales. Pour elle, "C'est une manière de permettre aux spectateurs de saisir la beauté qui se situe dans l'interaction entre compréhension et imagination". Bref, d'apprivoiser la nanodimension.

samedi 7 mars 2009

Et si on créait un monde parallèle... et vivant ?


Des bactéries qui clignotent, des levures cracheuses de médicaments anti-paludisme, des microbes producteurs d'énergie... bientôt le monde vivant va travailler pour nous ! Les projets pleuvent, à écouter Joël de Rosnay à l'ouverture du Cycle consacré à la biologie synthétique, ce 3 mars 2009 à Paris (1). Comme on peut synthétiser désormais à volonté toutes sortes de "cassettes génétiques" pour piloter les organismes, comme le prix de ces fabriques deviennent dérisoires (35 centimes par paire de bases), et surtout comme on peut se procurer toutes les informations sur internet (avec les "lociciels libres du vivant" mis à disposition par le MIT Open WetWare), tout le monde peut se mettre à ce bricolage qu'on nomme "biologie de garage". Ainsi une étudiante américaine, Mederith Patterson s'est amusé à construire une bactérie pour détecter dans les aliments la présence de mélanine (qui a empoisonné pas mal d'enfants chinois à l'automne 2008).
Le "créateur de vies artificielles" est comme un designer ou un ingénieur électronicien qui assemble des biobriques pour obtenir un certain fonctionnement. Il ressemble à un assembleur de Legos...Il se prend même un peu pour Dieu en parlant de son GoD, pour Générateur de Diversité, qui sera régulé par un système de sélection, selon François Taddéi.

Seulement on comprend assez vite, en écoutant le dynamique autrichien, Markus Schmidt, porteur du projet Synbiosafe (http://www.synbiosafe.eu), que les constructions ne sont pas franchement anodines. Il va falloir créer une vraie frontière entre notre monde vivant et celui que l'on envisage de synthétiser. Pourquoi ? Il est clair que les objets vivants ne ressemblent à aucun autre du fait qu'ils se reproduisent et échappent donc assez vite à tout contrôle... "C'est une utopie de penser que ces constructions seront contrôlables : le vivant n'est pas docile" a témoigné un biologiste dans la salle.
C'est pourquoi l'option prônée par Markus est de développer un "monde parallèle". "Il faut faire des organismes différents de nous, incapables de se croiser avec ceux qui existent sur Terre, et éviter ainsi toute contamination" estime-t-il. C'est possible si on fabrique des molécules inédites, des doubles hélices d'ADN insérant des bases nouvelles, ou en rendant les organismes fabriqués dépendant d'une nourriture non disponible... Une manière de "donner une seconde chance à la vie".
Et Philippe Marlière de rajouter : "Ces OGM que l'on veut faire, il ne doivent pas inquiéter les gens, juste nous servir à résoudre nos problèmes. Il faut que nous ayions José Bové avec nous".
Après Second Life in silico, bonjour les avatars en chair et en os.

(1) co-organisé par VivAgora, la Cité des sciences et de l'industrie, et l'Institut de recherche et d'innovation du Centre Pompidou.

dimanche 1 mars 2009

Henri Pézerat, de l’amiante… aux nanotubes de carbone


Il avait le simple profil d’un chimiste intègre. Il fut l’infatigable lanceur d’alerte sur les dangers de l’amiante. Henri Pézerat, qui s’est éteint ce 17 février à l’age de 80 ans, s’est simplement trouvé à l’épicentre de l’incohérence, quand saisissant l’ampleur des effets dévastateurs de la fibre cancérigène, il s’est heurté à l’inertie. "Le premier souci des pouvoirs publics est d'éviter toute vague, toute mise en cause d'acteurs économiques de poids ou d'administrations défaillantes", observait-il. Dès lors il s’est retrouvé franc-tireur face à des lobbies, affrontant Claude Allègre ou des membres de l'Académie des sciences ou de médecine.
L’expérience de l’amiante lui a révélé combien les victimes sont démunies dans un combat le plus souvent inégal. « Les acteurs économiques n'hésitent pas à mettre sur le marché des produits ou des technologies à même d'engendrer une augmentation de l'incidence des cancers", insistait-il. « Ces derniers n’ont qu’un souci en tête : gagner du temps » ajoutait Pierre Meneton, autre lanceur d’alerte sur le sel et le sucre. Comme pour contrer l’injustice, Henri Pézerat a mis son expertise au service des syndicats d'usine, des associations… Il a été aux côtés de Véronique Lapidès et du Collectif Franklin, dans leur combat sur l’héritage de la friche Kodak à Vincennes (1).
Ce 18 février l’Agence de sécurité sanitaire de l’environnement et du travail (AFSSET) recommandait de baisser les seuils réglementaires actuels, signalant que les fibres courtes, considérées comme peu dangereuses par rapport aux longues, devaient ne pas être occultées dans la réglementation. La demande de précaution survient alors que la Commission européenne doit examiner prochainement, dans le cadre de Reach, des demandes de dérogation pour des articles contenant de l’amiante.
Certains redoutent de nouveaux produits qui pourraient agir de la même façon que l’amiante, comme les nanotubes de carbone. Dans un avis, publié le 21 janvier 2009, le Haut conseil pour la santé publique (HCSP) a recommandé, « en vertu du principe de précaution, que la production des nanotubes de carbone et leur utilisation pour la fabrication de produits intermédiaires ou de produits de consommation et produits de santé soient effectuées dans des conditions de confinement strict ». La mise en application de telles mesures nécessitera de nouveaux « veilleurs » de la trempe d’Henri Pézerat

(1) Alerte santé, par André Cicolella et Dorothee Benoit Browaeys, Fayard, Paris 2005
(2) http://www.hcsp.fr/hcspi/docspdf/avisrapports/hcspa20090107_ExpNanoCarbone.pdf

La caféine c’est bon pour la peau... mais pas l’oxyde de zinc

Les Japonais, Tomika et Tsuchiya, l’avaient déjà signalé en 1989 : la caféine a des effets anti-tumeurs notamment pour éliminer des amorces de mélanomes (cancer de la peau). L’impact protecteur vient d’être confirmé...
Inversement la méfiance est de mise envers l’oxyde de zinc. Alors qu’il est interdit en Europe, il est toutefois nécessaire que chacun fasse le ménage chez soi ! Les Suédois, grâce à leur agence des produits médicaux, viennent de bannir 23 produits solaires qui étaient tranquillement commercialisés par dix fabricants de cosmétiques
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Et si l’on allait voir ce qui se vend en France ?